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  • : Ce blog présente les articles et ouvrages d'un enseignant-chercheur en Droit public. Il fournit également des références bibliographiques concernant différents domaines juridiques.
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14 mars 2019 4 14 /03 /mars /2019 06:09

La non confirmation d’un candidat à la cour suprême des États-Unis

RRJ 2018/2

1ères lignes:

Évoquant les emplois publics de la jeune fédération américaine, dans une lettre à des marchands du Connecticut, en 1801, le président Thomas Jefferson avait eu cette formule : « ils se libèrent rarement par la mort, jamais par la démission ». Appliquée par la suite à la cour suprême, cette expression a donné naissance à une autre sentence : « les juges de la cour suprême ne démissionnent jamais et meurent rarement ». Son but : insister sur la relative permanence de l’acteur judiciaire fédéral, en raison de la nomination à vie de ses membres. L’histoire récente de l’institution judiciaire américaine semble vouloir faire mentir cet adage. En deux années, deux juges ont « libéré » leur poste : Antonin Scalia est décédé en février 2016, Anthony Kennedy a démissionné en juin 2018.

Au regard du fonctionnement américain, il s’agit de deux événements majeurs. D’abord, parce qu’il s’agit dans les deux cas de remplacer un juge[1], ce qui se produit relativement rarement[2]. Ensuite, parce qu’un tel remplacement peut avoir des conséquences essentielles sur les équilibres politiques au sein de la cour fédérale[3], ce qui n’est pas anodin en raison de l’importance de sa jurisprudence en matière de droits fondamentaux et de perspectives juridiques, aux États-Unis. Scalia a été remplacé par Neil Gorsuch, un républicain conservateur, nommé par le nouveau président élu à l’automne 2016, Donald Trump. Quant à Anthony Kennedy, c’est Brett Kavanaugh un autre républicain conservateur qui a été nommé puis confirmé. Ces deux changements consacrent le début d’une nouvelle ère aux États-Unis puisque dorénavant la cour suprême sera dominée par une majorité de cinq juges conservateurs, issus des rangs républicains, la minorité étant constituée de quatre juges démocrates.

Au-delà de l’aspect institutionnel majeur, une hypothèse est brusquement réapparue dans le cadre de la seconde procédure de remplacement. Alors que les auditions étaient commencées et qu’une majorité républicaine semblait acquise au candidat, des rumeurs concernant des agressions sexuelles commises par Kavanaugh durant ses études sont venues fragiliser sa position. Aucune suite judiciaire n’était possible, pour des questions de prescription. L’affaire en question a soulevé la question du comportement d’un juge et de sa prise en compte par le Sénat. Par le passé, cet argument a été utilisé pour refuser une confirmation. La situation pouvait-elle conduire à un tel dénouement ? Le sénat a répondu par la négative mais les débats ont fait ressurgir une éventualité, la non confirmation d’un candidat à la cour.

Historiquement, le refus de confirmation peut être qualifié de rare[4]. En un peu plus de deux siècles de fonctionnement, on en dénombre seulement une trentaine. En voici la liste (nous avons ajouté la date de nomination, le président qui l’a effectuée et les conditions du rejet)[5] :

William Paterson, nommé en 1793 par George Washington, candidature retirée

John Rutledge, nommé en 1795 par George Washington, candidature rejetée (10 voix contre 14)

Alexander Wolcott, nommé en 1811 par James Madison, candidature rejetée (9 voix contre 24)

John J. Crittenden, nommé en 1828 par John Quincy Adams, candidature reportée (définitivement)

Roger B. Taney, nommé en 1835 par Andrew Jackson, candidature reportée (confirmée ultérieurement)

John C. Spencer, nommé deux fois en 1844 par John Tyler, candidature rejetée (21 voix contre 26) puis retirée

Reuben H. Walworth, nommé trois fois en 1844 par John Tyler, candidature retirée, deux fois, puis sans suite

Edward King, nommé en 1845 par John Tyler, candidature retirée

John M. Read, nommé en 1845 par John Tyler, candidature sans suite

George W. Woodward, nommé en 1845 par James Polk, candidature rejetée (20 voix contre 29)

Edward A. Bradford, nommé en 1852 par James Fillmore, candidature sans suite

George E. Badger, nommé en 1853 par James Fillmore, candidature reportée puis retirée

William C. Micou, nommé en 1853 par James Fillmore, candidature sans suite

Jeremiah S. Black, nommé en 1861 par James Buchanan, candidature rejetée (25 voix contre 26)

Henry Stanbery, nommé en 1866 par Andrew Johnson, candidature annulée

Ebenezer R. Hoar, nommé en 1869 par Ulysses Grant, candidature rejetée (24voix contre 33)

George Henry Williams, nommé en 1873 par Ulysses Grant, candidature reportée puis retirée

Caleb Cushing, nommé en 1874 par Ulysses Grant, candidature retirée

Thomas Stanley Matthews, nommé en 1881 par Rutherford Hayes, candidature sans suite (confirmée  sous le président suivant)

William B. Hornblower, nommé en 1893 par Grover Cleveland, candidature rejetée (24 voix contre 30)

Wheeler Hazard Peckham, nommé en 1894 par Grover Cleveland, candidature rejetée (32 voix contre 41)

John J. Parker, nommé en 1930 par Herbert Hoover, candidature rejetée (39 voix contre 41)

Abe Fortas, nommé en 1968 par Lyndon B. Johnson, candidature retirée

Homer Thornberry, nommé en 1968 par Lyndon B. Johnson, candidature annulée

Clement Haynsworth, nommé en 1969 par Richard Nixon, candidature rejetée (45 voix contre 55)

G. Harrold Carswell, nommé en 1970 par Richard Nixon, candidature rejetée (45 voix contre 51)

Robert H. Bork, nommé en 1987 par Ronald Reagan, candidature rejetée (42 voix contre 58)

Douglas H. Ginsburg, nommé en 1987 par Ronald Reagan, candidature retirée

Harriet Miers, nommée en 2005 par George Walker Bush, candidature retirée

Merrick Garland, nommé en 2016 par Barack Obama, candidature sans suite.

Un simple regard sur cette liste fait apparaître des hypothèses très différentes. À côté du rejet pur et simple, par le vote du Sénat, on trouve plusieurs autres possibilités : un retrait de candidature, une annulation, ou une candidature qui n’a pas été suivie d’une quelconque procédure. Derrière l’aspect purement formel, quelle signification précise peuvent avoir de tels refus ?

Si on s’intéresse au texte constitutionnel, la désignation d’un nouveau juge dépend des deux autres organes américains au niveau fédéral : le président, qui nomme un candidat, et le Sénat qui doit confirmer cette nomination à la majorité simple. Il s’agit de l’application pratique de la section 2 de l’article II de la constitution de 1787.

Concrètement, cela signifie que la procédure fait intervenir deux acteurs, le président et le Sénat. Un refus est-il nécessairement le signe d’une opposition entre les deux organes ou concerne-t-il le candidat lui-même ?

Avant de poursuivre, il est nécessaire d’écarter certains de ces échecs. Le premier cas, William Paterson, apparaît anodin en raison de son contexte. En 1793, George Washington souhaite nommer Paterson à un poste de juge à la cour fédérale[6]. Il découvre après la nomination officielle que son statut actuel – il est encore sénateur – rend impossible cette nomination. Il choisit donc de la retirer pour pouvoir la présenter une nouvelle fois, à la fin du mandat de Paterson. C’est ce qui sera fait, avec une confirmation aisée à la suite. Dans une logique relativement similaire, l’annulation de la nomination d’Homer Thornberry, en 1968, est directement liée à l’échec d’une procédure précédente[7]. Le président en exercice, Lyndon Johnson, avait voulu nommer un juge de la cour suprême, Abe Fortas, comme nouveau président. Ceci libérait un poste, ce qui avait conduit le président à proposer Thornberry. L’échec de la confirmation de Fortas ferme automatiquement la procédure concernant celui-ci.

Mais les cas de ce type sont relativement peu nombreux. Dans les vingt-huit autres hypothèses, de véritables questions se sont posées concernant la confirmation des candidats. En les examinant plus précisément, on constate que les refus obéissent à deux logiques différentes. Est-ce une surprise ? La cour suprême, au cœur des institutions américaines, n’est pas seulement l’organe judiciaire. En raison de sa jurisprudence, en raison de ses prises de position dans de nombreux débats par le passé, la juridiction fédérale a aussi une forte coloration politique, qui est d’ailleurs confirmée par sa composition. De la sorte, on constate que les nominations de juge font l’objet de deux types de réaction : d’un côté, le refus de confirmation du Sénat (explicite ou implicite, nous y reviendrons) peut être clairement motivé par des arguments politiques et partisans (I) ; de l’autre, il revêt une tout autre signification, puisqu’il s’agit d’un acte à visée judiciaire, qui prend en compte le caractère inadapté du candidat ou de la candidate (II).

 

[1] Concernant la procédure de nomination et de confirmation, voir entre autres les ouvrages suivants, Denis Steven Rutkus, Maureen Bearden, R. Sam Garrett, Supreme Court Nominations, 1789-2005: Actions (including Speed) by the Senate, the Judiciary Committee, and the President, Nova Publishers, 2007, 142 p.; Betsy Palmer, Supreme Court Nominations, Nova Science Publishers, 2009, 256 p.; Michael Comiskey, Seeking justices: the judging of Supreme Court nominees, University Press of Kansas, 2004, 287 p. Au titre des articles, on peut consulter Joel B. Grossman, Stephen L. Wasby, “The Senate and Supreme Court Nominations: Some Reflections”, Duke Law Journal, Vol. 1972, No. 3 (Aug., 1972), p. 557-591; Bryon J. Moraski, Charles R. Shipan, “The Politics of Supreme Court Nominations: A Theory of Institutional Constraints and Choices”, American Journal of Political Science, Vol. 43, No. 4 (Oct., 1999), p. 1069-1095; P. S. Ruckman, Jr., “The Supreme Court, Critical Nominations, and the Senate Confirmation Process”, The Journal of Politics, Vol. 55, No. 3 (Aug., 1993), p. 793-805.

[2] Depuis 1789, année de sa mise en place, la cour n’a connu que 113 membres.

[3] Sur les aspects politiques, Christine L. Nemacheck, Strategic Selection: Presidential Nomination of Supreme Court Justices from Herbert Hoover Through George W. Bush, University of Virginia Press, 2008, 187 p.; Sur les enjeux politiques entre président et cour, Julie Novkov, The Supreme Court and the Presidency: Struggles for Supremacy, CQ Press, 2013, 472 p.; Wayne Sulfridg, “Ideology as a Factor in Senate Consideration of Supreme Court Nominations”, The Journal of Politics, Vol. 42, No. 2 (May, 1980), p. 560-567.

[4] Sur ces échecs, on peut consulter par exemple John Massaro, Supremely Political: The Role of Ideology and Presidential Management in Unsuccessful Supreme Court Nominations, SUNY Press, 1990, 272 p. Les autres ouvrages sur la procédure de confirmation contiennent également des développements importants. Voir aussi les articles suivants : Keith E. Whittington, “Presidents, Senates, and Failed Supreme Court Nominations”, The Supreme Court Review, Vol. 2006, No. 1 (2006), p. 401-438 ; L J Zigerell, “Senator Opposition to Supreme Court Nominations: Reference Dependence on the Departing Justice”, Legislative Studies Quarterly, Vol. 35, No. 3 (August 2010), p. 393-416.

[5] John J. Patrick, The Supreme Court of the United States: A Student Companion, Oxford University Press, 2006, 416 p.

[6] Gertrude Sceery Wood, William Paterson of New Jersey, 1745-1806, Fair Lawn Press, inc., 1933, 217 p.; p. 127-129.

[7] Kyle Longley, LBJ's 1968: Power, Politics, and the Presidency in America's Year of Upheaval, Cambridge University Press, 2018, 374 p.; p. 160 et suiv.

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14 mars 2019 4 14 /03 /mars /2019 06:05

à lire sur le site droit et cinéma

https://lesmistons.typepad.com/blog/2019/03/entretien-avec-arnaud-coutant-auteur-de-louvrage-les-lois-dalfred-hitchcock-mare-et-martin-2018.html

 

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18 octobre 2018 4 18 /10 /octobre /2018 09:51

Le livre est disponible depuis aujourd'hui

voici la couverture et la 4e de couv!

bonne lecture!

 

La scène se déroule sur le Mont Rushmore, un lieu bien connu en raison des visages de quatre présidents américains sculptés dans la roche. Un couple, Eve Kendall [Eva Marie-Saint] et Roger Thornhill [Cary Grant], s’efforce d’échapper à des tueurs. Un innocent injustement poursuivi, une jeune femme blonde, mystérieuse et attirante, un suspense conçu pour faire réagir le spectateur, nous sommes dans un film d’Alfred Hitchcock. La Mort aux trousses est, à ce titre, un modèle du genre.

Auteur de cinquante-quatre films, Hitchcock est bien connu pour ses scénarios, sa manière de filmer et son humour sous-jacent. Il nous montre des innocents en quête de vérité, des coupables d’autant plus dangereux qu’ils sont sympathiques et avenants.

Cependant, derrière l’œuvre destinée à distraire, certains aspects étonnent. Ce qui permet d’identifier un film hitchcockien est déroutant pour un juriste : c’est l’innocent qui doit prouver qu’il n’a rien fait ; les enquêteurs font preuve d’une rare incompétence ; l’impartialité ne caractérise guère les juges et un procès conduit rarement à la condamnation du coupable.

Comment comprendre cette vision du droit ?

Dans ses films, Alfred Hitchcock a voulu transmettre sa propre conception des règles juridiques et de leur application dans la société. Il existe bien un droit hitchcockien, fondé sur trois lois qui parfois se combinent. C’est dans ce droit qu’il faut se plonger pour donner un nouvel éclairage à son œuvre cinématographique.

 

 

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11 octobre 2018 4 11 /10 /octobre /2018 08:38

En vente aujourd'hui un ouvrage commun que j'ai dirigé sur la thématique de la prohibition de l'alcool!

publié avec le concours du programme Droit et vin (Wine and Law) Université de Reims Champagne-Ardenne chez Mare et Martin

collection vin et droit

voici le sommaire

1ère partie

La prohibition, aspects pluridisciplinaires

 

Chapitre 1 l’approche culturelle

Fabrice Defferrard, Le Volstead Act au cinéma ou l’institution imaginaire d’Eliott Ness et de ses Incorruptibles

 

Chapitre 2 l’approche littéraire

Arnaud Coutant, Prohibition et littérature, l’Amérique corrompue de Dashiell Hammett

 

Chapitre 3 l’approche linguistique

Stéphanie Marchand, Les codes langagiers de la Prohibition : héritage et spécificité

  

2nde partie

La prohibition, exemples juridiques comparés

 

Chapitre 1 l’approche internationale

Johan Edman, Un siècle de restrictions sur l’alcool : un regard international et historique

 

Chapitre 2 les Etats-Unis

Arnaud Coutant, Les effets contradictoires de la législation américaine en matière de prohibition : l’exemple de l’Arkansas

 

Chapitre 3 la France

Gilles Darmon,  La prohibition de la publicité pour l’alcool en droit français

 

Chapitre 4 la Russie

Arnaud Coutant, La prohibition russe et soviétique, entre politique, économie et santé

 

 

 

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7 octobre 2018 7 07 /10 /octobre /2018 15:53

hier à Paris, j'ai présenté deux ouvrages,

un livre commun sur la prohibition et un autre personnel cette fois, intitulé les lois d'Alfred Hitchcock.

ils paraîtront dans quelques jours!

 

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24 septembre 2018 1 24 /09 /septembre /2018 09:20
comme chaque année, le Conseil constitutionnel accueille le salon du livre juridique. ci-après une présentation et des liens utiles

 
Le Club des juristes et le Conseil constitutionnel vous convient au
10e Salon du livre juridique
 
6 octobre 2018
de 10h à 18h

Entrée libre et gratuite

Rencontre avec les auteurs et dédicaces
Remise des Prix du livre juridique et du livre de la pratique juridique
Tirage au sort des « packs livres juridiques étudiants »
Chasse aux trésors (nombreux lots à gagner)
Espace LegalTech
 
 
Au Conseil constitutionnel 2, rue de Montpensier - 75001 Paris
www.salondulivrejuridique.fr - www.leclubdesjuristes.com - www.conseil-constitutionnel.fr
 
M° Palais-Royal Musée du Louvre
ou
M° Pyramides
 
21 éditeurs juridiques
Vente sur place de livres et codes à prix Salon
 
 
http://www.salondulivrejuridique.fr/
https://www.village-justice.com/articles/salon-livre-juridique,25820.html
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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8 septembre 2018 6 08 /09 /septembre /2018 14:01

Cette disposition est très commentée en ce moment, actualité américaine oblige.

ci-après l'introduction d'un article publié dans la Revue française de droit constitutionnel en juin dernier

 

« XXVe amendement : incapacité et succession du président

1. En cas de destitution, de décès ou de démission du président, le vice-président deviendra président.

2. Lorsqu’une vacance se produira dans la fonction de vice-président, le président devra présenter un vice-président qui entrera en fonction après confirmation par un vote majoritaire des deux chambres du congrès.

3. Lorsque le président transmettra au président pro tempore du Sénat et au speaker de la Chambre des Représentants une déclaration écrite selon laquelle il n’est plus capable d’assumer les pouvoirs et devoirs de sa fonction, et jusqu’à ce qu’il leur transmette une déclaration écrite en sens contraire, ses pouvoirs et devoirs seront assumés par le vice-président en qualité de président par intérim.

4. Lorsque le vice-président et une majorité des principaux agents du département exécutif ou d’un autre corps que le congrès peut prévoir par la loi transmettront au président pro tempore du Sénat et au speaker de la Chambre des Représentants une déclaration écrite selon laquelle le président est incapable d’assumer les pouvoirs et les devoirs de sa charge, le vice-président devra immédiatement assumer les pouvoirs et devoirs de cette fonction en tant que président par intérim.

Par la suite, quand le président transmettra au président pro tempore du Sénat et au speaker de la Chambre des Représentants une déclaration écrite selon laquelle aucune incapacité n’existe, il devra retrouver les pouvoirs et les devoirs de sa fonction à moins que le vice-président et une majorité des principaux agents du département exécutif ou d’un autre corps que le congrès peut prévoir par la loi ne transmettent dans les quatre jours au président pro tempore du Sénat et au speaker de la Chambre des Représentants une déclaration écrite selon laquelle le président est incapable d’assumer les pouvoirs et les devoirs de sa charge. Le congrès devra prendre à ce sujet une décision, en se réunissant dans les 48 heures s’il n’est pas en session. Si le congrès, dans les 21 jours après réception de la dernière déclaration écrite, ou, s’il n’est pas en session, dans les 21 jours après avoir été convoqué, décide par un vote aux deux tiers dans les deux chambres que le président est incapable d’assumer les pouvoirs et les devoirs de sa fonction, le vice-président devra continuer d’assumer cette charge en tant que président par intérim ; dans le cas contraire, le président reprendra les pouvoirs et les devoirs de sa fonction ».

 

Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, en novembre 2016, les actions du nouvel occupant de la Maison-Blanche ont amené, à plusieurs reprises, la question de la destitution dans le débat public. Un procureur a même été nommé pour enquêter sur une éventuelle collusion entre les proches du candidat républicain et la Russie, dans le but de peser sur l’élection présidentielle. Le comportement de Trump a également conduit à évoquer l’utilisation possible du XXVe amendement, au regard d’une éventuelle déficience mentale…

Notre propos ici n’est pas de spéculer sur une évolution de ce type. L’hypothèse d’une destitution et la référence au XXVe amendement méritent cependant que l’on s’y attarde, au regard des particularismes du système constitutionnel en la matière.

De fait, il s’agit de s’intéresser aux conséquences potentielles du départ (disparition, démission, destitution ou incapacité) d’un président américain et aux circonstances qui peuvent entourer cet événement. À ce titre, il a fallu attendre 1967 pour que la constitution américaine intègre cette hypothèse en en tirant toutes les conséquences. Jusque-là, des pratiques successives avaient été mises en place, en raison de l’absence de dispositions textuelles claires.

Dans cet article, nous souhaitons par conséquent examiner le XXVe amendement et ses origines. Ayant pour but d’encadrer les questions liées à la succession présidentielle, en cas de décès, de démission, ou de destitution mais aussi les difficultés accompagnant une vacance du pouvoir, cette 25e révision de la Constitution américaine est lancée au début des années 1960.

L’analyse des circonstances qui ont accompagné la mise en place de ce texte fournit l’occasion de comparer théorie et pratique, en droit constitutionnel américain, à partir d’un exemple très concret.

Lorsqu’on examine l’histoire de cette disposition, on découvre qu’il s’agit avant tout d’inscrire dans la Constitution une pratique déjà ancienne qui avait complété le texte initial, silencieux sur ce point. La constitutionnalisation de cette pratique permet la transformation du texte et a servi à plusieurs reprises dans les cinq décennies suivantes.

(…)

 

 

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23 mai 2018 3 23 /05 /mai /2018 14:28

Une magnifique initiative de la Bibliothèque des Sciences sociales de l'UQAC:

la mise en ligne gratuite des Mémoires d'Hervé de Tocqueville, père d'Alexis.

l'édition en ligne a été réalisée sous sa forme papier par Jean-Louis Benoît, Nicole Fréret et Christian Lippi.

n'hésitez pas à aller consulter cet ouvrage qui éclaire aussi la restauration grâce à l'un de ses témoins!

ci-après le descriptif:

Mémoires d'Hervé Clérel, Comte de Tocqueville, 1772-1856, Préfet et 1814 à 1827, Pair de France de 1827 à 1830.

Texte établi par Jean-Louis BENOÎT, Nicole FRÉRET et Christian LIPPI. Chicoutimi: Livre inédit, Les Classiques des sciences sociales, 2018, 408 pp.  

 

 

 

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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 15:01

Mon nouveau livre vient de sortir:

Abraham Lincoln contre Stephen Douglas, la démocratie américaine en question

en voici la 4e de couverture

"

Abraham Lincoln, le républicain abolitionniste, contre Stephen Douglas, le démocrate esclavagiste. Le raccourci semble logique. D’un côté, nous trouvons un mythe, le président martyr, qui a émancipé les esclaves durant la guerre civile, qui a consacré la démocratie en tant que gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, qui a laissé sa vie, assassiné à la fin du conflit. De l’autre, apparaît le leader du parti démocrate, figure de la faction esclavagiste, auteur en 1854 d’une loi sur les territoires du Kansas et du Nebraska, qui permet de faciliter l’implantation de l’esclavage dans ces régions.

Le présent ouvrage a pour ambition de donner une autre vision de la pensée et des positions de ces deux acteurs majeurs de la vie américaine. L’étude de deux séries de débats, qui les opposent, en 1854 et en 1858, permet de dépasser cette conception anachronique.

De fait, en insistant sur le contexte, sur le contenu des discours et sur l’analyse des rhétoriques, un tout autre portrait se dessine. Le démocrate, Douglas, défend une vision spécifique de la fédération et de la démocratie, en intégrant certes la problématique esclavagiste, mais en lui donnant une place singulière. Le républicain, Lincoln, développe des raisonnements inattendus, rejetant l’esclavage, mais sans prôner l’abolition, allant jusqu’à défendre l’inégalité raciale et ses conséquences.

A l’issue de cette relecture, c’est un autre monde qui apparaît : celui d’une fédération démocratique en construction, à la recherche de son identité juridique et politique."

 

pour plus d'infos:

www.mareetmartin.com/catalogue/droit-science-politique/droit-science-politique/abraham-lincoln-contre-stephen-douglas

 

 

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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 05:06

La revue internationale de droit comparé vient de publier mon nouvel article sur la peine de mort aux Etats-Unis. Vous trouverez ci-après l'introduction.

 

LE MORATOIRE SUR LA PEINE DE MORT  AUX ÉTATS-UNIS
LA DIMENSION FÉDÉRALE EN QUESTION

Tous les quatre ans, les regards se tournent vers les États-Unis d’Amérique en raison du renouvellement des principaux pouvoirs de la fédération. Au début du mois de novembre, les électeurs sont convoqués pour désigner le collège électoral qui choisira le président, les représentants qui constitueront la chambre basse et un tiers des sénateurs. À l’automne 2016, le caractère majeur de cet événement s’accompagne de circonstances spécifiques, une campagne électorale particulièrement violente, un candidat républicain atypique, ce qui accroît encore « l’intérêt » pour les élections fédérales. Cependant, une telle concentration sur les scrutins fédéraux a eu un effet regrettable, en détournant l’attention des autres élections. De fait, les électeurs ne sont pas seulement convoqués pour ces trois élections. Ils sont amenés à renouveler les titulaires des principaux organes des états, gouverneurs, membres des chambres étatiques, certains acteurs locaux, shérifs, juges. De manière quasi systématique, le scrutin est aussi l’occasion d’organiser des référendums sur des sujets divers.  En novembre dernier, trois états, la Californie, le Nebraska et l’Oklahoma, choisissent de consulter leur population sur la peine de mort. Les trois consultations ont des sens très différents. Au Nebraska, il s’agit de confirmer l’abolition mise en place par le parlement de cet État, en 2015. En Californie, comme en Oklahoma, il s’agit de poser la question de la poursuite ou non de l’application de la peine de mort. Dans le premier, deux questions sont posées, l’une sur l’application de la peine de mort, l’autre sur le fait de raccourcir les délais entre le prononcé de la sentence et son exécution. Dans le second, les électeurs sont consultés pour savoir s’il faut supprimer la peine de mort ou l’inscrire dans la constitution, pour en faciliter l’application. Alors que, depuis plusieurs décennies, une évolution semblait se dessiner, avec une abolition adoptée dans des états, de manière successive, les référendums de 2016 constituent un coup d’arrêt. La Californie1 et l’Oklahoma confirment l’application de la peine de mort, la population du Nebraska (par un vote de 60, 65 %2) revient sur la décision prise par ses représentants3. Est-il besoin de rappeler la position paradoxale des États-Unis en matière de peine de mort ? Bien qu’il s’agisse d’une démocratie reconnue, la fédération américaine appartient à un cercle relativement fermé, celui des cinq pays qui ont le plus recours à la peine capitale en une année. Ce constat place les États-Unis aux côtés de la Chine, de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et de l’Irak selon le dernier recensement d’Amnesty International. En la matière, il paraît pourtant peu pertinent de se placer sur le seul terrain moral pour condamner l’application de cette sentence aux États-Unis. En adoptant un regard juridique, il est intéressant de constater l’existence d’une véritable évolution dans le système américain, bien qu’il faille pour cela insister sur les spécificités du droit sur ce point précis.  De fait, lorsqu’on examine l’histoire de l’application de la peine de mort aux États-Unis, on relève l’existence d’une période singulière durant laquelle aucune sentence de ce type n’a pu être appliquée. Cette période dénommée moratoire intervient entre 1972 et 1976. Pourquoi revenir sur ce qui pourrait sembler être une parenthèse au regard de l’application actuelle de la peine capitale ? Trois raisons nous y poussent. En premier lieu, le fait que la Cour suprême continue de se prononcer sur cette question, en encadrant les législations étatiques, comme l’arrêt Timothy Lee Hurst, Petitioner v. Florida, rendu le 12 janvier 20164, l’illustre. En second lieu, la disparition récente d’un des grands défenseurs de la peine de mort aux États-Unis, membre de la Cour suprême, le juge Antonin Gregory Scalia, qui s’est éteint le 13 février 2016. Enfin, le choix du successeur de Scalia, Neil Gorsuch, partisan lui aussi d’une protection de la peine de mort. Sur ce point on peut d’ailleurs ajouter un élément, il s’agit bien d’une position states’ Rightist (favorable aux droits des états) : Gorsuch insiste sur les limites nécessaires du contrôle fédéral sur l’action étatique en la matière. Nous nous trouvons ici au cœur même du paradoxe américain en ce qui concerne la peine de mort. Cette sentence est appliquée aux États-Unis mais elle est surtout protégée par la constitution américaine elle-même au niveau fédéral et par une majorité de constitutions des états. L’étude du moratoire des années 1970 est instructive car elle permet de remettre en perspective la logique institutionnelle de la fédération américaine et l’histoire de la peine de mort aux États-Unis. Les deux arrêts qui encadrent cette période, Furman v. Georgia5, rendu en 1972, et Gregg v. Georgia6 en  1976 ne sont pas totalement opposés. Ils s’inscrivent dans une toute autre logique que celle revendiquée par les abolitionnistes. En les étudiant, on comprend qu’à cette époque la Cour suprême choisit de franchir un pas majeur, en ce qui concerne sa compétence à l’encontre des législations étatiques. L’arrêt de 1972 correspond à une transformation profonde en la matière, puisqu’il permet à la Cour suprême d’empêcher les états d’appliquer la peine de mort pour des raisons fondées sur la Constitution fédérale. Mais cet arrêt implique déjà en lui-même un questionnement sur l’intention des juges suprêmes et sur les conséquences utiles d’une telle décision. Pour comprendre cette parenthèse jurisprudentielle et son actualité, il est nécessaire de revenir sur la place de la peine de mort aux États-Unis et sur l’importance de l’arrêt rendu en 1972. Ceci fait, l’analyse de Gregg v. Georgia sera possible pour en tirer toutes les conséquences dans l’Amérique moderne. À ce titre, le moratoire constitue bien une avancée, dans une perspective purement institutionnelle, vers une démocratie fédérale.
 
 
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